Les forêts de l’Ituri (partie intégrante du bassin du Congo) et la destruction liée à l’exploitation aurifère par des acteurs étrangers.
Par John TOLY, Directeur de l’ONG FORED et Défenseur de l’Environnement — Province de l’Ituri, RDC.
Les forêts de l’Ituri font partie du vaste Bassin du Congo, l’un des poumons verts de la planète. Elles abritent une biodiversité exceptionnelle (okapis, éléphants, chimpanzés, multitude d’oiseaux et d’espèces endémiques), jouent un rôle crucial dans la régulation du climat régional et soutiennent les moyens d’existence de milliers de communautés rurales. Pourtant, ces forêts sont aujourd’hui menacées — non seulement par les groupes armés et l’exploitation artisanale locale, mais aussi par des opérations minières plus organisées, impliquant parfois des sociétés ou opérateurs étrangers qui exploitent l’or dans des zones protégées ou reculées.
Ce qui se passe sur le terrain
Plusieurs enquêtes et rapports publiés ces dernières années montrent un phénomène à trois volets :
- Encroachment (empiètement) sur des zones protégées : Des opérations minières qui n’auraient pas dû se dérouler dans des réserves ou tout près d’écosystèmes sensibles ont été documentées — y compris dans des parties de la réserve de l’Okapi, classée au patrimoine mondial. Des expansions de concessions minières, des modifications de limites et des interprétations floues des permis facilitent l’entrée de gros acteurs dans des forêts primaires.
- Conversion de forêts en zones minières : La préparation de sites (ouverture de pistes, abattage d’arbres pour camps et machines, terrassement) provoque une destruction directe de la couverture forestière, fragmentation des habitats et perte d’espèces. Les équipements semi-industriels et l’arrivée de centaines de travailleurs accentuent la pression sur les ressources locales.
- Pollution et dégradation hydrique : L’exploitation aurifère, artisanale ou semi-industrielle, utilise souvent du mercure et, parfois, d’autres produits chimiques pour concentrer l’or. Ces substances contaminent rivières et nappes phréatiques, affectent la pêche et la santé des communautés en aval. Des études et évaluations environnementales ont montré la persistance de pollution mercurielle dans des sites d’orpaillage en Ituri et régions voisines.
Rôle des acteurs étrangers — le cas des « chinois »
Plusieurs médias d’investigation et organisations internationales ont rapporté la présence d’opérateurs chinois — sous formes de sociétés ou d’investisseurs — impliqués dans des activités minières en Ituri et provinces avoisinantes.
Selon ces sources :
- Certains permis ou changements de limites ont permis à entreprises étrangères d’opérer proche ou à l’intérieur d’aires protégées.
- Des cas d’exploitation menée avec peu de contrôle environnemental et de supervision réglementaire ont été signalés, suscitant l’inquiétude des communautés, des conservateurs et d’organisations de défense des droits.
Important : affirmer qu’un groupe national unique « détruit » systématiquement les forêts est une simplification.
Les enquêtes montrent la présence d’acteurs chinois parmi d’autres (nationaux et étrangers), mais la dynamique est souvent complexe — elle mêle acteurs privés, acteurs locaux, intermédiaires, complicité ou laxisme institutionnel, et parfois protection par des forces locales. Les documents publics et enquêtes journalistiques cités ci-dessous détaillent plusieurs cas concrets.
Conséquences sociales et écologiques
- Perte de biodiversité : faune perturbée, corridors écologiques morcelés, disparition des espèces.
- Détérioration des services écosystémiques : sols appauvris, sédimentation des cours d’eau, diminution de la capacité d’infiltration.
- Santé publique : intoxications au mercure, eau polluée, hausse des maladies liées à l’eau.
- Perte de moyens de subsistance : communautés dépendantes de la pêche, de la chasse et de l’agriculture voient leurs ressources menacées.
Témoignages et réactions locales
Des communautés locales, des gardes forestiers et des organisations de conservation ont dénoncé la progression de sites miniers et la dégradation visible des forêts. Les autorités nationales et internationales (UNESCO, ONG locales et internationales) ont demandé des clarifications et des mesures dans certains cas documentés.
Cadre légal et responsabilités
La RDC dispose de lois forestières et minières, mais l’application est souvent limitée par un manque de moyens, la corruption, ou des conflits locaux qui rendent l’État moins présent sur le terrain. Les entreprises (nationales ou étrangères) ont la responsabilité légale et éthique d’obtenir des permis, de réaliser des études d’impact environnemental et de respecter les périmètres protégés — obligations qui, lorsqu’elles sont ignorées, exposent à des sanctions nationales et à des critiques internationales.
Recommandations — ce qu’il faut faire maintenant
- Audit indépendant des sites : cartographier et auditer les sites miniers pour vérifier conformité des permis et limites des aires protégées.
- Surveillance environnementale communautaire : formation et financement de comités locaux pour signaler déforestation et pollution.
- Tests et remédiation : mesurer mercure et autres contaminants dans les rivières, et lancer des actions de nettoyage et d’éducation sanitaire.
- Renforcement institutionnel : appui aux autorités provinciales et à l’ICCN pour appliquer la loi et restaurer les limites de réserves si nécessaire.
- Pression diplomatique et plaidoyer : documentation des cas et action conjointe d’ONG, société civile et partenaires internationaux pour exiger transparence et responsabilité des entreprises impliquées.
Conclusion
La survie des forêts d’Ituri dépend d’une action rapide et coordonnée : identification des sites illégaux ou non conformes, protection des aires sensibles (comme la réserve de l’Okapi), surveillance de la pollution et réhabilitation des zones touchées. Les rapports disponibles montrent que des opérateurs étrangers, dont des entreprises liées à des ressortissants chinois, sont présents et parfois impliqués dans des activités problématiques — mais la responsabilité est partagée entre acteurs locaux, intermédiaires et faiblesses institutionnelles. La solution nécessite transparence, justice environnementale et alternatives économiques pour les communautés locales.
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Sources principales consultées
- Enquêtes et articles sur l’impact des mines d’or dans l’est de la RDC (AP, VOA, Mongabay).
- Rapport UNEP sur la pollution mercurielle liée à l’orpaillage en RDC.
- Études scientifiques sur la pollution par le mercure et impacts de l’orpaillage artisanal.
- Cartographie et rapports IPIS / ONG sur sites artisanaux et conflits miniers.

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